Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/250

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quait de ceux qui s’extasiaient devant les merveilles de la Grèce. Postumius Albinus avait écrit en grec une histoire, dans laquelle il demandait pardon à ses lecteurs pour les fautes de langage qui pouvaient lui échapper. « Il faut, en effet, les lui pardonner, disait Caton en plaisantant, si c’est un décret des Amphictyons qui l’a forcé de se soumettre à cette besogne. » On dit que les Athéniens admirèrent la précision et la vivacité du style de Caton ; car il avait dit en peu de mots ce que l’interprète rendit par un long circuit de paroles ; et qu’enfin, après l’avoir entendu, ils restèrent persuadés que les paroles sortaient aux Grecs du bout des lèvres, et aux Romains du fond du cœur.

Antiochus s’était emparé du défilé des Thermopyles et avait ajouté aux fortifications naturelles du lieu des retranchements et des murailles. Aussi se tenait-il en repos, persuadé qu’il avait, de ce côté-là, fermé tout accès aux Romains ; et les Romains désespéraient absolument de forcer de front le passage. Mais Caton, s’étant souvenu du détour qu’avaient pris autrefois les Perses pour entrer par là dans la Grèce[1], partit de nuit avec une portion de l’armée. Quand on arriva au sommet de la montagne, le prisonnier qui servait de guide se trompa de chemin, et s’égara dans des lieux inaccessibles et remplis de précipices. Les soldats étaient dans la frayeur et le désespoir. Caton, qui voyait toute la grandeur du péril, commande aux troupes de s’arrêter et de l’attendre. Il prend avec lui un certain Lucius Mallius, homme très-leste à gravir les montagnes, et monte, avec autant de danger que de peine, par une nuit sans lune, et par une obscurité profonde, à travers des oliviers sauvages et de vastes rochers, qui arrêtaient la vue et empêchaient de rien distinguer. Ils arrivent enfin à un sentier étroit qui leur paraît con-

  1. Au temps de l’invasion de Xerxès.