Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/267

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Toutefois, sur ce dernier article, il ne fut pas sans éprouver de tristes désappointements ; car il perdit sa femme et son fils. Pour lui, comme il était d’une complexion bonne et robuste, il résista longtemps ; à ce point que, même vieux, il voyait souvent sa femme, et qu’il contracta, dans ses dernières années, un mariage très-disproportionné pour son âge : voici quelle en fut l’occasion. Après la mort de sa femme, il maria son fils à la fille de Paul Émile, sœur de Scipion ; pour lui, il vivait, pendant son veuvage, avec une jeune esclave qui venait le trouver secrètement. Dans cette petite maison, et avec une bru, on se fut bientôt aperçu du manége. Un jour, la concubine ayant passé d’un air insolent devant la chambre du fils pour aller dans celle du père, le jeune Caton, sans lui rien dire, la regarda d’un œil sévère, et détourna la tête de dégoût. Le vieillard en fut informé, et connut que ce commerce déplaisait à ses enfants. Il ne s’en plaignit point, et ne leur en fit aucun reproche. Mais comme il descendait au Forum, accompagné de ses amis, suivant sa coutume, il adressa la parole à un certain Saloninus, qui avait été un de ses greffiers, et qui marchait à sa suite : « As-tu marié ta fille ? » lui demanda-t-il à haute voix. Cet homme répondit qu’il n’aurait eu garde de la marier sans l’en prévenir. « Hé bien ! reprit Caton, je t’ai trouvé un gendre qui pourra, je crois, te convenir, à moins toutefois que son âge ne te déplaise ; il n’y a rien à reprendre en lui que sa grande vieillesse. » Saloninus dit qu’il s’en rapportait à lui ; qu’il donnerait sa fille à celui que préférait Caton, car elle était sa cliente, et avait besoin de son patronage. Caton, sans différer plus longtemps, lui déclare que c’est pour lui-même qu’il demande la jeune fille. Notre homme, comme on pense bien, fut tout stupéfait d’abord d’une telle proposition : Caton lui semblait hors d’âge de se marier ; et d’ailleurs il se trouvait, lui, fort au-dessous d’une pareille alliance avec