Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/273

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et du hoyau à la tribune, des citoyens pauvres et vivant du travail de leurs mains, pour en faire ses magistrats et ses chefs. Déjà elle avait pris l’habitude de regarder à la noblesse des familles, à la richesse, aux distributions d’argent, aux sollicitations et aux brigues : fière de ses succès et de sa puissance, elle traitait avec une hauteur insultante ceux qui aspiraient aux charges publiques. C’était chose bien différente d’avoir à lutter contre Thémistocle, homme d’une naissance commune et d’une fortune médiocre, car tout son bien, quand il commença à mettre la main aux affaires, ne montait, dit-on, qu’à cinq ou même à trois talents[1] ; ou d’avoir à disputer le premier rang à des Scipion l’Africain, à des Servilius Galba, à des Quintius Flamininus, sans autre secours qu’une voix qui plaidait franchement et sans détour pour le parti de la justice.

Aristide, aux batailles de Marathon et de Platée, n’était qu’un des dix généraux de la Grèce ; Caton fut élu l’un des deux consuls, quoiqu’il eût un grand nombre de concurrents ; puis l’un des deux censeurs, ayant été préféré à sept autres candidats, tous des plus illustres familles, et les premiers de la ville. Aristide, dans aucune de ses victoires, n’obtint les premiers honneurs : à Marathon, Miltiade remporta le prix de la valeur ; à Salamine, Thémistocle ; et c’est à Pausanias, suivant Hérodote, qu’on dut la glorieuse victoire de Platée. Le second prix fut même disputé à Aristide par les Sophanès, les Aminias, les Callimaque et les Cynégire, qui se signalèrent dans ces combats. Caton, au contraire, non-seulement dans la guerre d’Espagne, pendant son consulat, surpassa tous les autres capitaines en courage et en prudence, mais aux Thermopyles, simple tribun des soldats, et sous les ordres d’un consul, il eut tout l’honneur

  1. Trente mille ou dix-huit mille francs environ de notre monnaie.