Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/299

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cent vingt talents[1], on décréta qu’on ferait présent de cette somme à Philopœmen, et qu’on lui enverrait à ce sujet une députation.

C’est alors que cet homme parut clairement ce qu’il était, homme de bien, non pas en apparence seulement, mais en réalité[2]. D’abord il ne se trouva pas un Spartiate qui consentît à aller parler à un tel homme d’accepter de l’argent. Tous redoutaient et refusaient cette mission ; on mit alors en avant Timolaüs, son hôte. Timolaüs vint à Mégalopolis, et s’assit au foyer de Philopœmen ; mais, quand il eut considéré de près la gravité de sa conversation, la simplicité de sa manière de vivre, son caractère inaccessible, imprenable à l’appât des richesses, il n’osa lui parler du présent. Il allégua un autre motif à son voyage, et s’en alla. Envoyé une seconde fois, il éprouva encore le même embarras. Une troisième fois il se décida, quoique avec peine, à entreprendre ce voyage ; et enfin il lui fit connaître les bonnes dispositions de la ville à son égard. Cette nouvelle fut agréable à Philopœmen ; mais il partit lui-même pour Lacédémone, et il conseilla aux citoyens de ne pas chercher à corrompre leurs amis et les gens de bien, de la vertu desquels il est toujours possible de jouir gratuitement : « Mais les méchants, mais ceux qui sèment la division dans les assemblées, voilà, leur dit-il, ceux qu’il faut acheter, ceux qu’il faut corrompre. Fermez-leur la bouche à force d’argent, afin que leurs clameurs ne viennent plus vous importuner. Mieux vaut ôter à nos ennemis qu’à nos amis le franc parler. » Telle était la grandeur des sentiments de Philopœmen à l’égard des richesses.

Dans la suite, Diophanès, qui était général des Achéens,

  1. Environ sept cent vingt mille francs de notre monnaie.
  2. Allusion au mot d’Eschyle déjà cité dans la Vie d’Aristide.