Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/303

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sorte de vengeance divine le lit tomber, arrivé au terme de sa vie, comme un athlète qui tombe au moment où il fournissait heureusement la carrière. En effet, on rapporte que plusieurs personnes, en conversant avec lui, louaient un homme qui leur paraissait habile capitaine, et que Philopœmen leur dit : « Peut-on estimer un homme qui s’est laissé prendre vif par les ennemis ? » Or, peu de jours après, Dinocratès de Messène, ennemi particulier de Philopœmen, et odieux à tout le monde à cause de sa méchanceté et de ses déportements, détacha Messène de la ligue achéenne ; et l’on annonça qu’il était sur le point d’occuper le village appelé Colonis. Philopœmen se trouvait retenu par la fièvre à Argos. Dès qu’il en fut informé, il marcha aussitôt sans s’arrêter jusqu’à Mégalopolis, et il fit en un seul jour plus de quatre cents stades[1]. Sur-le-champ, il en partit pour marcher au secours du point menacé, emmenant avec lui un corps de cavalerie composé des citoyens les plus distingués, mais tous jeunes gens encore, qui s’offrirent volontairement pour cette expédition par affection pour Philopœmen et par amour de la gloire.

On chevauchait dans la direction de Messène, lorsque près de la colline d’Évandre on rencontra Dinocratès qui s’avançait ; on en vint aux mains, et il fut mis en fuite. Sur ces entrefaites, cinq cents hommes, qui gardaient la campagne de Messène, survinrent et chargèrent ; et ceux qui d’abord avaient été battus ne les eurent pas plutôt aperçus qu’ils se rallièrent sur les hauteurs. Philopœmen, qui craignait d’être enveloppé et qui voulait épargner le sang de ses cavaliers, se mit en retraite à travers un terrain fort difficile ; il conduisait l’arrière-garde, et souvent il tournait bride et faisait face aux ennemis pour attirer sur lui seul tous leurs efforts. Mais

  1. Environ vingt lieues.