Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/307

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ronnes. Celui qui la portait, c’était Polybe[1] fils du général des Achéens, entouré des Achéens les plus distingués. Les guerriers, couverts de leur armure et montés sur des chevaux richement harnachés, venaient ensuite, sans montrer trop d’abattement dans un deuil aussi grand, ni trop d’orgueil de leur victoire. Des villes et bourgs que l’on traversait les habitants accouraient à sa rencontre pour le recevoir à son passage, comme quand il revenait d’une expédition ; ils touchaient l’urne, et ils accompagnaient le cortège jusqu’à Mégalopolis. Au convoi vinrent se joindre les vieillards, les femmes et les enfants ; et les gémissements s’élevaient de toute l’armée et retentissaient jusque dans la ville ; Mégalopolis pleurait son grand citoyen ; elle s’abandonnait à sa douleur, car elle pensait qu’avec lui elle avait perdu sa prééminence sur les villes achéennes. On fit donc à Philopœmen des funérailles d’une magnificence convenable ; et les captifs messéniens furent lapidés autour de son tombeau.

Les villes lui avaient décerné de grands honneurs, et érigé beaucoup de statues. À l’époque des derniers malheurs de la Grèce, lors du désastre de Corinthe[2], un Romain entreprit de les détruire, en poursuivant Philopœmen en justice et en l’accusant, comme s’il eût été vivant, d’inimitié et de malveillance à l’égard des Romains. Cet homme exposa l’accusation, et Polybe répondit au calomniateur[3]. Mais ni Mummius ni ses lieutenants ne souffrirent qu’on fît disparaître les honneurs rendus à un personnage aussi glorieux, quoiqu’il eût été souvent un obstacle aux succès de Titus et de Manius. Ils distinguaient apparemment la vertu réelle de l’intérêt, le beau de l’utile ; dans leur jugement droit et équitable, ils

  1. Il n’avait à cette époque guère plus de vingt ans.
  2. Trente-sept ans après la mort de Philopœmen.
  3. Son discours n’existe plus.