Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/315

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d’honneur d’obtenir de ses soldats qu’ils la traitassent, durant leur marche, comme chose à eux acquise, et qu’on leur avait cédée. La suite fit bientôt sentir tout le prix de cette modération. À peine entrés dans la Thessalie, ils virent toutes les villes se donner à eux : les Grecs situés en deçà des Thermopyles brûlaient de voir arriver Titus, et de se jeter dans ses bras. Les Achéens, renonçant à l’alliance de Philippe, arrêtèrent, par un décret public, qu’ils s’uniraient avec les Romains pour lui faire la guerre ; les Opuntiens[1] rejetèrent l’offre que leur avaient faite les Étoliens, les plus dévoués auxiliaires qu’eussent alors les Romains, de mettre une garnison dans leur ville, et de se charger de la défendre ; mais ils appelèrent d’eux-mêmes Titus, et se remirent à sa discrétion avec une entière confiance.

On rapporte que Pyrrhus, la première fois qu’il vit d’une hauteur l’armée des Romains rangée en bataille, dit que l’ordonnance des Barbares ne lui paraissait nullement barbare. La première fois que ces peuples avaient affaire à Titus, ils étaient forcés de tenir à peu près le même langage. Ils avaient entendu dire aux Macédoniens qu’il venait un homme à la tête d’une armée barbare, subjuguant et détruisant tout par la force des armes ; et ils voyaient un guerrier à la fleur de l’âge, d’un air doux et hautain, qui parlait purement la langue grecque, et qui aimait la véritable gloire. Séduits par ces belles qualités, ils se répandaient dans les villes, qu’ils remplissaient des mêmes sentiments d’affection qu’il leur avait inspirés, et les assuraient qu’elles trouveraient en lui l’auteur de leur liberté. Quand ensuite il fut entré en conférence avec Philippe[2], qui semblait désirer la paix, et

  1. Opunte, capitale de la Locride opuntienne, sur le bord de la mer vis-à-vis de l’Eubée.
  2. L’entrevue eut lieu à Nicée, sur les bords du golfe Maliaque.