Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/321

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sur la Grèce et de payer la somme de mille talents[1] ; il lui ôta tous ses vaisseaux, à l’exception de dix, et prit pour otage Démétrius, l’un de ses deux fils, qu’il envoya à Rome.

En faisant cette paix, il se prêta sagement aux circonstances et sut prévoir l’avenir ; car Annibal, l’implacable ennemi des Romains, banni de son pays s’était réfugié auprès du roi Antiochus, qu’il pressait de poursuivre sa fortune, et de se livrer au cours de ses brillantes prospérités. Antiochus, qui devait à ses exploits le surnom de Grand, était assez porté de lui-même aux vastes entreprises : il aspirait à la monarchie universelle, et ne cherchait qu’une occasion d’attaquer les Romains. Si Titus, par une sage prévoyance de l’avenir, n’eût pas accédé à la paix, et que la guerre d’Antiochus eût concouru avec celle qu’on avait déjà dans la Grèce contre Philippe, il suffisait que les deux plus grands rois et les plus puissants qu’il y eût alors eussent uni leurs intérêts et leurs forces, et Rome aurait eu à soutenir des combats non moins difficiles et périlleux que dans ses luttes contre Annibal. Titus, en plaçant à propos la paix entre ces deux guerres, en terminant l’une avant que l’autre eût commencé, ruina d’un seul coup la dernière espérance de Philippe et la première d’Antiochus.

Les dix commissaires que le Sénat avait envoyés à Titus lui conseillaient de déclarer libres tous les autres Grecs, à l’exception de Corinthe, de Chalcis et de Démétrias, où il mettrait des garnisons, pour s’assurer contre Antiochus. Alors les Étoliens, toujours habiles dans l’art de calomnier, employèrent tout ce qu’ils avaient de talent en ce genre pour porter les villes à la sédition. Ils priaient Titus de délier les fers de la Grèce : c’était le nom que Philippe avait coutume de donner aux trois

  1. Environ six millions de notre monnaie.