Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/322

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villes dont il s’agit ; en même temps ils demandaient aux Grecs si, pour avoir une chaîne, mieux polie à la vérité, mais plus pesante, ils se trouvaient plus heureux ; s’ils admiraient Titus comme un bienfaiteur, parce qu’il leur avait mis au cou les chaînes dont il avait dégagé leurs pieds.

Piqué de ces imputations et poussé à bout, Titus pressa si fort le conseil, qu’il finit par obtenir qu’on retirerait les garnisons de ces villes, afin que les Grecs reçussent de lui la grâce tout entière. Aussi, quand on célébra les jeux isthmiques[1] s’assit-il dans le stade une foule immense de peuple, pour y voir les combats gymniques ; car la Grèce, délivrée depuis quelque temps des guerres, convolait à ces fêtes, dans l’attente de la liberté, et pour jouir du moins d’une paix dont elle était assurée. Puis, le son de la trompette ayant fait faire silence dans l’assemblée, le héraut s’avance au milieu de l’arène, et proclame à haute voix : « Que le Sénat des Romains, et Titus Quintius, général consulaire, après avoir vaincu Philippe et les Macédoniens, accordent immunité de garnisons et d’impôt, avec la faculté de se régir par leurs lois nationales, aux Corinthiens, Locriens, Phocéens, Eubéens, Achéens, Phthiotes, Magnètes, Thessaliens et Perrhèbes. » Au premier moment, tous les spectateurs n’entendirent ni tout entière, ni distinctement, la proclamation. Le stade était plein de confusion et de trouble ; les uns témoignaient leur admiration, les autres s’informaient de ce qu’on avait dit ; et tous demandaient que le héraut recommençât. Mais, quand le silence se fut rétabli, et que le héraut, ayant renforcé sa voix, eut répété la proclamation, et porté la nouvelle dans tous les rangs, alors ce fut une immense clameur

  1. Ces jeux se célébraient deux fois par chaque Olympiade, dans l’isthme de Corinthe, en l’honneur de Mélicerte ou Palémon, dieu marin.