Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/35

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eût-on dit, plus d’éclat et de force dans sa voix qu’à l’ordinaire, soit qu’au moment du combat, et dans l’enthousiasme qui le transportait, la passion animât ainsi sa voix ; soit qu’un dieu, comme beaucoup alors le crurent, eût joint sa voix à la sienne. À l’instant ses soldats répondent à son cri par leur clameur, et le pressent de les mener promptement à l’ennemi ; alors il fait signe à sa cavalerie de dépasser la ligne des chars, et de charger les ennemis en flanc ; il fait serrer le premier rang de son infanterie bouclier contre bouclier, ordonne aux trompettes de sonner la charge, et fond avec rapidité sur les Carthaginois.

Ils soutinrent le premier choc sans s’ébranler : les cuirasses de fer et les casques d’airain dont ils étaient armés, les grands boucliers dont ils se couvraient le corps, les garantirent aisément contre les coups de javelines. On en vint à combattre à l’épée, manœuvre qui exige non moins d’adresse que de force, quand tout à coup il s’éleva des montagnes un orage accompagné d’éclairs embrasés et de tonnerres effroyables. Bientôt les nuages épais qui couvraient les collines et les cimes des monts descendirent sur le champ de bataille avec un déluge de pluie et de grêle, que poussait encore un vent impétueux. Mais la tempête ne prenait les Grecs que par derrière, et frappait les Barbares au visage : ils avaient la vue éblouie et de l’ondée qui fouettait avec violence, et de la flamme des éclairs qui partait continuellement du sein des nuages. C’était là une extrême incommodité, singulièrement pour les moins aguerris. Mais ce qui leur nuisait bien plus encore, ce me semble, c’étaient les éclats du tonnerre et le bruit que faisait sur leurs armes la chute rapide de la pluie et de la grêle ; au milieu de ce fracas, ils n’entendaient plus les ordres de leurs chefs.

Les Carthaginois n’étaient pas équipés à la légère, et portaient, comme nous l’avons déjà dit, des armes défen-