Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/358

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se laissèrent donc séduire ; et Pyrrhus, peu rassuré sur sa position, évacua la Macédoine avec toutes ses troupes, tant Épirotes qu’auxiliaires, et perdit ce royaume de la même manière qu’il l’avait acquis. Ainsi donc, les rois ont tort d’accuser les particuliers de changer suivant leurs intérêts, puisque les particuliers ne font en cela que suivre les exemples qu’ils leur donnent de manque de foi et de trahison, et mettre en pratique la maxime professée par les rois : Que celui-là fait le mieux ses affaires, qui consulte le moins la justice.

Pyrrhus, refoulé dans l’Épire, avait abandonné la Macédoine ; la Fortune lui donnait tous les moyens de jouir tranquillement de sa position présente, de vivre en paix et content de régner sur ses sujets naturels. Mais, pour lui, ne faire de mal à personne et n’en éprouver de personne, c’était une vie de dégoût et d’ennui ; comme Achille, il ne pouvait souffrir l’inaction ; il consumait son cœur,

Languissant à sa place, et regrettant la mêlée et la guerre[1] !

Or, voici comment il trouva de nouvelles occupations au gré de ses désirs. Les Romains faisaient la guerre aux Tarentins. Ceux-ci, incapables de soutenir la guerre, et aussi incapables d’y renoncer, maîtrisés qu’ils étaient par l’emportement et la perversité de leurs démagogues, se décidèrent à appeler Pyrrhus à leur secours et à se remettre sous sa conduite, parce que c’était celui de tous les rois qui avait le plus de loisir, et le plus d’habileté dans l’art militaire. Les citoyens les plus âgés et les plus sensés combattirent ouvertement cet avis ; mais les uns virent leurs représentations rejetées par les clameurs violentes des partisans de la guerre, et les autres, sur

  1. Homère, Iliade, I, 491.