Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/374

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saient qu’exciter leur colère, et leur donner une nouvelle vigueur et une ambition plus vive de bien terminer cette guerre.

Au milieu de ces difficultés, il se vit tout à coup rejeté dans des espérances chimériques : on lui offre des entreprises ; il n’a que l’embarras du choix. Il lui vint en même temps des députés qui remettaient entre ses mains Agrigente, Syracuse et Léontium, et qui le priaient de chasser de l’île les Carthaginois et de renverser les tyrans ; et d’autres de la Grèce, qui lui apprenaient que Ptolémée Céraumus avait péri avec son armée dans une bataille contre les Gaulois[1], et que ce serait pour lui le moment de se présenter aux Macédoniens, qui avaient besoin d’un roi. Pyrrhus se plaignit vivement de la Fortune, qui lui présentait en même temps deux occasions de faire de grandes choses ; et, voyant avec regret qu’il ne pouvait saisir l’une sans laisser échapper l’autre, il demeura longtemps indécis. Ensuite il jugea que les affaires de la Sicile pouvaient avoir des conséquences plus importantes, à cause de la proximité de la Libye ; il arrêta ses vues sur ce point, et il fit aussitôt prendre les devants à Cinéas, qu’il chargea, selon sa coutume, d’entrer en négociation avec les villes. Pour lui, il mit une garnison dans Tarente, ce qui mécontenta les habitants ; car ils disaient qu’il devait rester lui-même, suivant leurs conventions, et faire la guerre en personne avec eux contre les Romains, ou, s’il voulait abandonner le pays, laisser leur ville comme il l’avait trouvée. Il leur répondit, sans aucun ménagement et d’un ton d’autorité, qu’ils demeurassent tranquilles et qu’ils attendissent son temps. Puis il mit à la voile.

Dès qu’il eut abordé en Sicile, toutes ses espérances se réalisèrent parfaitement. Les villes s’empressaient de

  1. Les Gaulois avaient fait une invasion dans la Macédoine, sous la conduite de Belgius.