Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/414

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Marius entendait ces murmures, et il s’en réjouissait ; et il calmait ses soldats en leur disant qu’il ne se défiait point d’eux, mais que, sur la foi de certains oracles, il attendait le lieu favorable et l’occasion de vaincre. Il y avait une Syrienne, nommée Marthe, qui passait pour prophétiser : il la menait toujours avec lui dans une litière, lui témoignant du respect, et n’offrant de sacrifices que sur ses avis. Elle avait d’abord voulu prophétiser devant le Sénat ; mais, repoussée par le Sénat, elle se tourna du côté des femmes, et leur donna des preuves de sa science, particulièrement à la femme de Marius. Un jour qu’elle était assise aux pieds de celle-ci, elle lui dit d’avance celui des deux gladiateurs qui devait vaincre ; et elle dit vrai. La femme de Marius l’envoya vers son mari, qui se prit d’admiration pour elle ; et, depuis ce temps, il la faisait porter en litière à ses côtés : elle assistait aux sacrifices revêtue d’une robe de pourpre deux fois teinte, fermée avec des agrafes, et tenant à la main une javeline entourée de bandelettes et de guirlandes. Cet appareil de comédie fit douter à bien des gens si Marius croyait véritablement à ses prédictions, ou si c’était une feinte, et s’il mettait cette femme en avant pour tirer parti de sa fourberie.

Voici une histoire de vautours assez étonnante, que raconte Alexandre le Myndien[1]. Il y avait deux vautours qui apparaissaient autour de l’armée toujours avant quelques succès, et qui la suivaient dans sa marche. On les reconnaissait à des colliers d’airain. Des soldats les avaient pris, leur avaient attaché ces colliers, et les avaient ensuite lâchés ; et, depuis lors, ils reconnaissaient les

  1. Cet auteur est inconnu. Diogène de Laërte parle d’un Alexon de Myndes qui avait écrit des livres intitulés : Contes fabuleux ; c’est peut être le même personnage dont Diogène aura corrompu le nom, péché commun aux compilateurs de son espèce.