Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/438

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tout après tant de triomphes et tant de gloire, il s’en allât transporter sa vieillesse déjà si avancée, dans la Cappadoce et le Pont-Euxin, pour y combattre un Archélaüs et un Néoptolème, lieutenants de Mithridate. Les raisons qu’alléguait sur cela Marius étaient réellement frivoles : il voulait, disait-il, exercer son fils, sous ses yeux, au métier des armes.

C’est là ce qui fit éclater enfin la maladie secrète que Rome couvait dans son sein ; car Marius avait trouvé l’instrument de la ruine commune dans l’audace de Sulpicius. Admirateur de Saturninus, Sulpicius le prenait pour modèle, et ne reprochait que deux choses à sa façon de mener les affaires, la timidité et l’hésitation. Pour lui, il n’hésitait jamais : il était sans cesse entouré de six cents chevaliers comme d’une garde, et qu’il appelait l’anti-Sénat Un jour que les consuls tenaient l’assemblée, il survint avec ses gens armés, mit les consuls en fuite, prit et tua le fils de l’un d’eux[1]. Sylla, en se sauvant, passa devant la maison de Marius ; et, ce à quoi personne ne se serait attendu, il s’y jeta, et ceux qui le poursuivaient passèrent en courant devant la maison, sans l’avoir vu ; et l’on dit que Marius lui-même le fit sortir en sûreté par une autre porte, de manière qu’il put s’échapper et gagner son camp. Sylla rapporte lui-même, dans ses Mémoires, non pas qu’il se soit réfugié auprès de Marius, mais qu’il y fut amené pour délibérer sur un décret que Sulpicius lui arracha de force, en l’environnant d’épées nues, et après l’avoir chassé devant lui jusque chez Marius ; qu’ensuite ils le ramenèrent sur le Forum, et qu’il y dut faire ce qu’ils demandaient : c’était de casser le décret par lequel son collègue et lui avaient suspendu la justice[2]. Après cela, Sulpicius triomphant fit donner le

  1. Ce consul se nommait Pompéius Rufus.
  2. J’ai paraphrasé le texte, fort obscur a cet endroit, mais qui s’entend fort bien si l’on recourt au passage de la Vie de Sylla où Plutarque raconte le même événement.