Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/442

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pesant, et deux esclaves, ne pouvant le prendre comme ils auraient voulu, le soutinrent avec beaucoup de peine et d’efforts sur les eaux, et le placèrent dans l’autre embarcation, lorsque déjà les cavaliers étaient arrêtés et criaient du rivage aux mariniers d’amener la barque, ou bien de jeter Marius à la mer et de s’en aller où bon leur semblerait. Marius suppliait, versait des larmes ; et les gens de la barque, après avoir en un moment changé plusieurs fois de résolution, répondirent cependant aux cavaliers qu’ils n’abandonneraient point Marius. À peine les cavaliers se furent-ils éloignés pleins de colère, les mariniers prirent une autre résolution encore, et naviguèrent vers la côte. Ils jetèrent l’ancre à l’embouchure du Liris, dont les eaux forment un marais en se répandant par-dessus leurs rives ; et ils engagèrent Marius à descendre à terre pour prendre de la nourriture et se remettre du mal de mer, jusqu’à ce qu’il s’élevât un bon vent, ce qui devait arriver à une heure fixe à laquelle le vent de mer mollit ordinairement, et où il devait s’élever des marais une brise suffisante pour prendre le large. Marius les crut et suivit ce conseil ; les mariniers le déposèrent sur le rivage, et il se coucha dans un pré, bien éloigné de penser à ce qui allait arriver. Mais eux, remontant aussitôt dans leur barque, levèrent l’ancre et s’enfuirent, comme n’étant ni honnête de livrer Marius ni sûr pour eux de le sauver.

Ainsi seul, abandonné de tous, il demeura longtemps étendu sur le rivage sans proférer une parole ; puis, se levant avec peine, il se mit à marcher péniblement sur un terrain sans routes tracées. Après avoir traversé des marais profonds et des fossés pleins d’eau et de boue, le hasard le conduisit à la chaumière d’un vieillard qui vivait de son travail dans ces marais. Marius tombe à ses pieds, et le supplie de sauver, de secourir un homme qui, s’il échappait aux dangers présents, pourrait le récompenser au delà de ses espérances. L’homme, soit qu’il