Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/444

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indigné de la conduite de l’un et de l’autre, condamna le mari à rendre la dot, et la femme à payer une amende de quatre pièces de monnaie de cuivre, comme note d’infamie. Pourtant Fannia, dans cette occasion, ne se conduisit point en femme offensée ; bien loin que la vue de Marius lui rappelât des souvenirs mauvais, elle lui offrit ce qu’elle avait chez elle, en l’exhortant à prendre courage. Il la remercia, et lui assura qu’il était plein de confiance, parce qu’il venait de voir un présage favorable. Voici ce que c’était. Comme il arrivait, conduit par les gardes, auprès de la maison de Fannia, au moment où l’on avait ouvert la porte un âne en était sorti en courant pour aller boire à la fontaine qui coulait près de là ; et, regardant Marius d’un air de gaieté enjouée, il s’était d’abord arrêté court devant lui, et s’était mis à braire d’une voix haute et retentissante, puis il avait passé à côté de lui en bondissant de joie. « J’en conjecture, disait Marius, que les dieux me font connaître par là que j’échapperai plutôt par mer que par terre, puisque l’âne ne s’est point soucié d’une nourriture sèche, et qu’il l’a quittée pour courir à l’eau. » Après cette conversation avec Fannia, il voulut se reposer seul, et il ordonna qu’on fermât la porte de la chambre.

Cependant les magistrats et les décurions de Minturnes avaient décidé, après délibération, qu’il serait mis à mort sans retard. Mais il ne se trouva pas un citoyen qui voulût se charger de l’exécution. Alors un cavalier, Gaulois de nation suivant les uns, Cimbre suivant d’autres, prit une épée et entra près de Marius. La chambre, à l’endroit où il se trouvait couché, recevait peu de jour et était assez obscure ; on raconte que le soldat crut voir les yeux de Marius lancer des flammes ardentes, et qu’il entendit une grande voix qui lui criait du fond de l’obscurité : « Oses-tu bien, malheureux ! égorger Caïus Marius ? » Aussitôt le Barbare sortit en fuyant ; il jeta son glaive, et, en fran-