Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/466

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

das[1] rapporte de lui un mot qui prouve sa facilité à se parjurer. « Il faut, disait-il, tromper les enfants avec des osselets, les hommes avec des serments. » Il voulait faire en cela comme Polycrate de Samos ; exemple bien mal choisi : un général d’armée n’imite pas un tyran. D’ailleurs il n’était pas digne d’un Spartiate d’en user avec les dieux comme avec des ennemis, que dis-je ? plus insolemment encore, car celui qui trompe par un parjure déclare qu’il craint son ennemi et qu’il méprise la divinité.

Cyrus, ayant mandé Lysandre à Sardes, lui donna de l’argent, et lui en promit encore davantage. « J’ai tant d’envie de t’obliger, lui dit-il avec une emphase de jeune homme, que, si mon père ne veut rien fournir, je prendrai sur mes revenus ce qui te sera nécessaire. Que si tout vient à me manquer, je ferai fondre le trône d’or et d’argent massif sur lequel je m’assieds pour donner mes audiences. » Enfin, au moment de partir pour aller retrouver son père en Médie, il délégua à Lysandre les tributs des villes, et lui confia le gouvernement de ses provinces ; et, en l’embrassant, il le pria de ne pas attaquer les Athéniens sur mer avant son retour, l’assurant qu’il reviendrait avec un grand nombre de vaisseaux de Phénicie et de Cilicie. Il partit aussitôt pour se rendre auprès du roi. Lysandre, qui ne pouvait combattre à forces égales, ne voulait pas cependant rester dans l’inaction avec une flotte si nombreuse : il alla prendre quelques îles, et pilla Égine et Salamine ; il fit une descente dans l’Attique, et salua le roi Agis qui était venu de Décélie[2] pour faire voir à ses troupes de terre ces forces navales qui le rendaient maître de la mer,

  1. Historien Spartiate contemporain de Lysandre, plusieurs fois cité par Plutarque, mais du reste parfaitement inconnu.
  2. Ville d’Attique qui était alors au pouvoir des Lacédémoniens.