Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/519

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non contents de respecter les temples de la Grèce, les avaient enrichis de leurs dons, et en avaient accru les honneurs et la majesté. Mais ces hommes, qui commandaient, armés d’un, pouvoir légal, des troupes sages, disciplinées, obéissant en silence aux ordres de leurs chefs ; ces hommes, véritablement rois par l’élévation de leurs sentiments, menaient un train de vie modeste, et ne faisaient que la dépense obligée, persuadés qu’il était plus honteux pour un général de flatter ses soldats que de craindre les ennemis. Au contraire, les généraux de ces derniers temps, montés à la première place par la force et non par la vertu, et qui avaient besoin de s’armer les uns contre les autres bien plus que contre les ennemis de l’État, étaient obligés de complaire à leurs soldats, et d’acheter leurs services en fournissant par des largesses aux frais de leurs débauches. Ils tirent ainsi insensiblement de la patrie tout entière un objet de trafic ; et, pour arriver à commander à des gens qui valaient mieux qu’eux, ils se rendirent eux-mêmes les esclaves des plus scélérats des hommes. Voilà ce qui chassa Marius de Rome, et l’y ramena ensuite contre Sylla ; voilà ce qui fit périr Octavius par les mains de Cinna, et Flaccus par celles de Fimbria. Sylla, plus que pas un, fomenta ces désordres, en faisant à ses soldats des largesses et des profusions sans bornes, afin de corrompre et d’attirer à lui ceux des partis contraires. Ainsi, pour acheter la trahison des uns et fournir à l’intempérance des autres, il lui fallut des sommes immenses ; il en eut surtout besoin pour ce siège. Animé d’un désir violent de prendre Athènes, il s’obstina dans son entreprise, soit par la vanité d’engager une lutte contre l’ombre de l’antique gloire de cette ville, soit pour se venger des railleries et des traits mordants que le tyran Aristion ne cessait de lancer d’un ton moqueur et injurieux, du haut des murailles, contre lui et contre Métella.