Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/520

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L’âme d’Aristion était un composé de débauche et de cruauté ; il avait rassemblé en sa personne tout ce qu’il y avait de pire et de plus infâme dans les vices et les passions de Mithridate ; et la ville d’Athènes, qui avait échappé à tant de guerres, à tant de tyrannies et de séditions, il la réduisait, comme un fléau destructeur, aux plus affreuses extrémités. Pendant que le médimne de blé s’y vendait mille drachmes[1], et que les habitants n’avaient d’autre nourriture que le parthénium[2] qui croissait autour de l’acropole, le cuir des souliers et les vases à tenir l’huile, qu’ils mettaient bouillir, Aristion ne faisait tout le long du jour que s’enivrer dans des festins, danser, rire, railler les ennemis ; il vit avec indifférence la lampe sacrée de la déesse s’éteindre faute d’huile ; et, la grande prêtresse lui ayant fait demander une demi-mesure de blé, il lui envoya du poivre. Les sénateurs et les prêtres vinrent le supplier d’avoir pitié de la ville et de capituler avec Sylla : il les fit écarter à coups de traits. Ce ne fut qu’à la dernière extrémité qu’il se détermina, à grand’peine, à faire porter à Sylla des propositions de paix par deux ou trois de ses compagnons de fête. Au lieu de parler pour le salut de leurs concitoyens, les députés se mirent à vanter Thésée et Eumolpe, et les exploits des Athéniens contre les Mèdes : Allez-vous-en, mes beaux orateurs, dit Sylla, avec tous vos discours. Les Romains ne m’ont pas envoyé à Athènes

  1. Environ neuf cents francs de notre monnaie.
  2. Cette herbe, dont il a déjà été question dans la Vie de Périclès, répondait à ce qu’on appelle aujourd’hui la camomille puante ou la matricaire ; son nom de parthénium venait de ce qu’elle était consacrée à Minerve, la vierge par excellence, en grec παρθένος, depuis lu jour où Périclès, sur un prétendu conseil de la déesse, s’en était servi pour guérir un des ouvriers du Parthénon qui était tombé d’un échafaudage.