Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/525

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cottes de mailles médoises et scythiques, mêlées au luisant de l’airain et du fer, faisaient étinceler, à tous leurs mouvements et à tous leurs pas, un feu semblable à celui des éclairs, et présentait un spectacle effrayant. Les Romains, saisis de terreur, n’osaient quitter leurs retranchements : Sylla, qui ne venait à bout par aucun discours de dissiper leur effroi, et qui ne voulait pas les forcer de combattre dans cet état de découragement, était obligé de rester dans l’inaction et de souffrir, non sans une vive impatience, les bravades et les risées insultantes des Barbares.

Ce fut là pourtant ce qui lui servit le plus. En effet, les ennemis, pleins de mépris pour les Romains, se laissèrent aller à une extrême indiscipline ; et, du reste, il n’y avait jamais eu chez eux une bien grande subordination, à cause de la multitude des chefs. Il ne restait plus qu’une poignée de soldats dans les retranchements ; presque tous, amorcés par l’appât du pillage et du butin, s’écartaient du camp jusqu’à la distance de plusieurs journées. On dit que dans ces courses ils détruisirent la ville de Panope, saccagèrent celle de Lébadée et en pillèrent le temple[1], sans qu’aucun général leur eût donné l’ordre d’en rien faire.

Sylla, qui frémissait d’indignation de voir des villes périr sous ses yeux, ne voulut pas du moins laisser chômer ses soldats : pour les occuper, il les obligea de détourner le cours du Céphise, et d’ouvrir de grandes tranchées. Il n’exemptait personne du travail ; il les surveillait lui-même, et châtiait avec la dernière sévérité ceux qui se relâchaient, afin qu’excédés de fatigue, ils préférassent à ces travaux pénibles le danger d’un combat. C’est aussi ce qui arriva. Il y avait trois jours que durait l’ouvrage, lorsque Sylla visitant les travailleurs, tous le prièrent à grands cris

  1. C’est à Lébadée qu’étaient le temple et l’antre de Trophonius.