Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/538

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de chars armée de faulx. Sylla n’avait amené que quatre cohortes et deux cents chevaux. Mithridate vint au-devant de Sylla et lui tendit la main ; et Sylla lui demanda s’il consentait à terminer la guerre aux conditions réglées par Archélaüs. Le roi se taisant : « Mithridate, dit Sylla, ignores-tu que ceux qui requièrent quelque chose des autres doivent parler les premiers, et que les vainqueurs n’ont rien à faire qu’à écouter en silence ? » Mithridate entra dans une longue apologie, s’efforçant de rejeter la guerre en partie sur les dieux, en partie sur les Romains ; mais Sylla l’interrompant : « J’avais entendu dire depuis longtemps, dit-il, que Mithridate était un homme d’une éloquence consommée ; mais je le reconnais aujourd’hui moi-même, en voyant avec quelle abondance il a su trouver des paroles spécieuses, pour déguiser les actions les plus cruelles et les plus injustes. » Alors il lui reproche avec amertume toutes ses perfidies ; et, l’ayant forcé d’en convenir, il lui demande une seconde fois s’il s’en tient aux articles arrêtés par Archélaüs. Mithridate ayant déclaré qu’il les ratifiait, Sylla lui rendit le salut, et l’embrassa avec des témoignages d’affection ; puis il fit approcher les rois Nicomède et Ariobarzane, et les réconcilia avec Mithridate.

Mithridate remit donc à Sylla les soixante-dix navires avec cinq cents hommes de trait, et fit voile vers le Pont. Sylla sentait que ses soldats étaient mécontents de cette paix ; et en effet, ils s’indignaient qu’un roi, le plus mortel ennemi de Rome, qui en un seul jour avait fait égorger cent cinquante mille Romains répandus dans l’Asie, s’en retournât paisiblement dans ses États, chargé de richesses et des dépouilles de cette Asie où il n’avait cessé, durant quatre années, de faire du butin et de lever des contributions. Mais Sylla se justifiait auprès d’eux en leur disant qu’il n’aurait pu résister aux forces réunies de Fimbria et de Mithridate, s’ils s’étaient coalisés ensemble contre lui.