Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/542

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combattent ; mais ce n’était qu’un fantôme qui s’éleva peu à peu de terre, s’épandit çà et là dans les airs, comme font des spectres ténébreux, et finit ainsi par s’évanouir tout à fait.

Peu de temps après, le jeune Marius et le consul Norbanus ayant amené dans ce même lieu deux puissantes armées, Sylla, sans s’inquiéter de mettre ses troupes en bataille ni d’assigner son poste a personne, sans autre moyen que l’ardeur et l’audace de ses soldats, mit en pleine déroute les ennemis, tua sept mille hommes à Norbanus, et l’obligea de se renfermer dans la ville de Capoue. Ce fut cette victoire, à ce qu’il dit lui-même, qui empêcha les soldats de se retirer dans leurs villes, et les retint auprès de lui ; elle leur inspira d’ailleurs un profond mépris pour les armées ennemies, qui leur étaient cependant très-supérieures en nombre. Il ajoute qu’à Silvium, un esclave de Pontius, transporté d’une fureur divine, se présenta à lui, et l’assura qu’il venait de la part de Bellone, lui annoncer la victoire ; mais que, s’il ne se hâtait, le Capitole serait brûlé : ce qui arriva en effet le jour même que cet homme l’avait prédit, c’est-à-dire la veille des nones du mois appelé Quintilis, et nommé depuis juillet.

Marcus Lucullus, un des généraux du parti de Sylla, était campé auprès de Fidentia[1] avec seize cohortes, et en avait cinquante à combattre : il se fiait bien à la bonne volonté de ses soldats ; mais, comme la plupart n’avaient pas d’armure complète, il hésitait à s’engager avec l’ennemi. Pendant qu’il délibérait sans oser prendre un parti, il s’éleva tout à coup un vent doux et léger, qui enleva d’une prairie voisine une grande quantité de fleurs, et les répandit sur son armée ; elles vinrent d’elles-mêmes tomber sur les boucliers et sur les casques ; elles s’y

  1. Ville du pays des Albains, entre Plaisance et Parme.