Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/545

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même au combat ; qu’accablé de veilles et de lassitude, après avoir donné le mot pour la bataille, il se coucha par terre dans un endroit ombragé, et s’y endormit si profondément qu’il ne fut réveillé qu’à grand’peine par le bruit de la déroute. Sylla écrit qu’il ne perdit dans cette affaire que vingt-trois hommes, qu’il en tua vingt mille, et fit huit mille prisonniers. Tout lui succéda également à souhait du côté de ses généraux, Pompée, Crassus, Métellus, Servilius : tous, sans presque faire aucune perte, taillèrent en pièces des armées considérables ; à tel point que Carbon, le principal chef de la faction contraire, s’enfuit la nuit hors de son armée, et fit voile pour l’Afrique.

Le dernier ennemi que Sylla eut à combattre fut le Samnite Télésinus. Comme un athlète tout frais, qui tombe sur un adversaire fatigué de plusieurs combats, Télésinus faillit le renverser et le jeter à terre, aux portes mêmes de Rome. Il avait ramassé, avec Lamponius le Lucanien, un corps de troupes assez nombreux, et marchait en toute hâte sur Préneste, pour délivrer Marins qui y était assiégé. Mais, informé que Sylla et Pompée venaient à grandes journées, le premier pour l’attaquer en tête, et l’autre pour le prendre en queue ; enfermé qu’il se voyait entre deux armées, il se décide en brave, en homme qui avait acquis dans des situations difficiles une grande expérience : il décampe la nuit, et marche sur Rome avec toute son armée. Peu s’en fallut qu’il n’emportât d’emblée la ville demeurée sans défense. Mais, à dix stades[1] de la porte Colline, il s’arrêta, et passa la nuit devant les murailles, glorieux qu’il était et enflé de grandes espérances, pour avoir donné le change à tant et de si grands capitaines.

Le lendemain, à la pointe du jour, une troupe de

  1. Environ une demi-lieue.