Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/55

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seulement des grammairiens, des sophistes et des rhéteurs, mais encore des sculpteurs, des peintres, des écuyers, des veneurs et des piqueurs, dont ils recevaient les leçons. Lorsqu’il n’était pas retenu par quelque affaire publique, le père assistait lui-même à leurs études et à leurs exercices ; car c’était de tous les Romains celui qui aimait le mieux ses enfants.

Pour revenir aux affaires publiques, c’était alors le temps où les Romains faisaient la guerre contre Persée, roi de Macédoine. Ils étaient mécontents de leurs généraux ; ils les accusaient de livrer par leur inexpérience et leur lâcheté la république au mépris et à la risée, et de recevoir de l’ennemi bien plus de maux qu’ils ne lui en faisaient. On venait tout récemment d’obliger Antiochus, surnommé le Grand, d’abandonner une portion de l’Asie, et de se retirer au delà du mont Taurus : enfermé dans la Syrie, il s’estima heureux d’acheter la paix au prix de quinze mille talents[1]. Quelque temps auparavant, on avait ruiné, dans la Thessalie, les forces de Philippe, et affranchi les Grecs du joug de la Macédoine. Enfin, celui à qui nul roi ne se pouvait comparer, ni pour l’audace ni pour la puissance, Annibal, avait été vaincu. Aussi ne supportait-on pas l’idée de ne combattre qu’à avantage égal contre Persée ; comme si c’était un adversaire digne de Rome, celui qui ne leur faisait la guerre depuis si longtemps qu’avec les restes de la défaite de son père. Mais les Romains ignoraient que Philippe avait, par sa défaite même, rendu l’armée, des Macédoniens plus forte et plus aguerrie. C’est ce que je vais expliquer brièvement, en reprenant les choses d’un peu plus haut.

Antigonus, le plus puissant des généraux et des successeurs d’Alexandre, ayant acquis pour lui et pour ses descendants le titre de roi, eut un fils, Démétrius, qui

  1. Environ quatre-vingt-dix millions de francs.