Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 2.djvu/72

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il fut atteint d’un javelot tout de fer, qui, à la vérité, ne le blessa pas de la pointe et glissa le long du côté gauche ; mais telle fut la roideur du coup que sa tunique en fut déchirée, et qu’il lui en resta sur la chair une meurtrissure sanglante dont il porta longtemps la marque. Telles sont les allégations de Posidonius pour la justification de Persée.

Les Romains avaient attaqué la phalange, et ne pouvaient parvenir à la rompre ; Salius, chef des Péligniens, saisit l’enseigne de sa cohorte, et la jette au milieu des ennemis. À l’instant les Péligniens se précipitent vers cet endroit ; car il n’est pas de plus grande honte ni de plus grand crime, pour des Italiens, que d’abandonner leur drapeau. Il se fit là, de part et d’autre, des efforts prodigieux de valeur, et le carnage fut horrible : les Romains s’efforcent de couper avec leurs épées les piques ennemies, de les repousser avec leurs boucliers, de les détourner même en les saisissant à la poignée. Les Macédoniens brandissent des deux mains leurs piques menaçantes, frappent les assaillants, percent leurs boucliers et leurs cuirasses, impuissants à les garantir, renversent les Péligniens et les Marrucins, qui s’élançaient comme des bêtes féroces, emportés par leur fureur, s’enferrant d’eux-mêmes, et se précipitant à une mort certaine. Le premier rang ayant été taillé en pièces dans l’attaque, ceux qui formaient la seconde ligne, reculèrent ; ce n’était pas une fuite, mais ils battirent en retraite vers le mont Olocrus. À cette vue, dit Posidonius, Paul Émile déchira sa tunique, désespéré de ce mouvement rétrograde, et de la terreur qu’inspirait aux autres Romains cette phalange qu’ils ne pouvaient entamer, ce front hérissé de piques, tel qu’un rempart, et qui résistait sur tous les points aux efforts de l’ennemi. Mais l’inégalité du terrain et l’étendue de la ligne de bataille ne permettaient pas aux Macédoniens de conserver, sans aucune interruption, cette haie de boucliers. Paul Émile