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NICIAS.

prise, un véritable apprenti, un enfant sans raison, et, pour me servir des termes de Diphilus[1],

Un homme épais, et tout bouffi de graisse sicilienne.


Souvent aussi il se laisse aller à des inepties dignes de Xénarchus[2]. Par exemple, il dit qu’à son avis c’était un mauvais présage pour les Athéniens, que le général dont le nom était formé du mot victoire[3], se fût opposé à l’expédition ; que, par la mutilation des Hermès, la divinité leur faisait d’avance entendre qu’ils auraient beaucoup à souffrir, dans cette guerre, de la part d’Hermocratès, fils d’Hermon[4] ; enfin qu’Hercule devait naturellement prêter main-forte aux Syracusains, à cause de Proserpine, qui lui avait livré Cerbère, et ne montrer au contraire que rigueur aux Athéniens de ce qu’ils soutenaient les Égestains, descendants de ces Troyens dont lui-même il avait renversé la ville pour une injustice de Laomédon. Tout cela lui a été dicté par le même bon sens qui lui a fait critiquer le style de Philistus et injurier Platon et Aristote. Quant à moi, toute jalousie, toute rivalité d’écrivains me semble une bien pauvre chose : cela sent l’école des sophistes. Mais prétendre lutter contre des écrits inimitables, c’est avoir perdu le sens commun. Il m’est impossible de passer sous silence les actions de Nicias qui ont été rapportées par Thucydide et Philistus, et spécialement celles qui font connaître son caractère et ses dispositions naturelles, que dérobent trop à notre vue le nombre et la grandeur de ses infortunes ; mais je ne ferai que les rappeler rapidement, et en exposant celles

  1. Poëte de la nouvelle comédie.
  2. On ne sait pas ce que c’était que Xénarchus ; probablement quelque moraliste naïf et ridicule.
  3. Le nom de Nicias est dérivé de νίκη, victoire.
  4. Le général des Syracusains.