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NICIAS.

ils avaient laissé dans l’île de Sphactérie[1] quatre cents soldats Spartiates, dont les Athéniens croyaient avec raison qu’il leur était fort important de se rendre maîtres. Mais il fallait pour cela faire un siège difficile et laborieux, dans un pays où l’on manquait d’eau, et où l’on ne pouvait transporter des vivres en été que par un long circuit et à grands frais, et en hiver que par des moyens fort dangereux et vraiment impraticables. Aussi étaient-ils fâchés de l’avoir entrepris ; et ils se repentaient d’avoir rejeté les propositions de paix que les Lacédémoniens leur avaient faites par des ambassadeurs. Ces propositions, on les avait rejetées, parce que Cléon s’y était opposé ; et Cléon s’y était opposé surtout à cause de Nicias, dont il était l’ennemi. Parce qu’il voyait Nicias appuyer vivement les demandes des Lacédémoniens, il avait persuadé au peuple de refuser tout accommodement.

Mais, lorsqu’on vit le siège se prolonger, et que l’on apprit que l’armée se trouvait dans une grande pénurie, on s’en prit à Cléon. Celui-ci rejetait la faute sur Nicias, et il l’accusait de laisser, par sa lâcheté et sa nonchalance, échapper des hommes qui, lui général, n’auraient point tenu si longtemps. Alors les Athéniens : « Eh bien ! que ne vas-tu tout de suite t’embarquer pour les combattre ? » Et Nicias, se levant, déclara qu’il lui cédait le commandement de l’expédition de Pylos, et l’engagea à enrôler autant de troupes qu’il voudrait, et, au lieu de se livrer là à des bravades sans danger, à aller rendre à sa patrie quelque service important. Cléon était si loin de s’attendre à cela qu’il en demeura d’abord confus, et qu’il eût voulu retirer sa parole ; mais les Athéniens lui ordonnèrent formellement d’agir, et Nicias ne cessait de crier après lui. Alors son ambition et son courage se rallumèrent : il accepta ce commandement ; et, en s’embarquant,

  1. Petite île des côtes de la Messénie, qui couvrait le port de Pylos.