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NICIAS.

de l’autre ; elle était pour le premier une occasion de grandes injustices, et pour le second de grands succès. Or, tous les deux périrent dans une même bataille près d’Amphipolis[1]. Nicias, voyant que depuis longtemps les Spartiates désiraient la paix, et que les Athéniens n’avaient plus grande confiance dans la guerre ; que les deux peuples, également las, laissaient leurs bras pendre de fatigue, chercha donc à renouer l’amitié entre les deux républiques, à délivrer tous les Grecs de leurs maux, à leur procurer le calme, et à rétablir chez eux une durable félicité.

Les riches, les vieillards, la foule des laboureurs, entrèrent tout d’abord dans le parti de la paix. Puis, par des conversations particulières et de sages avis, il amortit l’ardeur guerrière de plusieurs personnes des autres classes. Lorsqu’il put donner des espérances aux Spartiates, il les pressa, les provoqua à faire des ouvertures de paix. Et ils eurent confiance en lui, parce qu’ils l’avaient toujours trouvé doux et bon, et que, dernièrement encore, lorsque leurs soldats avaient été pris à Pylos et jetés dans les fers, il avait pris soin d’eux, il les avait traités avec humanité, et avait allégé le poids de leur infortune. Déjà on avait fait une trêve d’un an ; et, en goûtant de nouveau le plaisir de se trouver les uns avec les autres sans crainte, de se livrer au repos, et de voir librement leurs hôtes et leurs proches, tous désiraient vivement passer une vie pure et sans guerre. On aimait à entendre des chœurs qui chantaient :

Laissons ma lance se couvrir des toiles de l’araignée[2] ;

  1. Dans la Thrace, sur le fleuve Strymon.
  2. De quels chœurs s’agit-il ici ? Je laisse à d’autres à le décider ; mais on peut douter que ce soit de chœurs de tragédies. Nous avons déjà trouvé des vers analogues à celui-ci dans la Vie de Numa, et qui étaient du poëte lyrique Bacchylide.