Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/126

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
122
NICIAS.

et l’on se rappelait avec plaisir ce mot que : ceux qui dorment dans la paix, ce n’est point la trompette, mais le coq qui les éveille. On raillait donc et l’on rejetait bien loin ceux qui disaient que, suivant l’arrêt du destin, la guerre devait durer trois fois neuf années. Par suite de ces dispositions, et à force de causer ensemble sur toute sorte de sujets, ils en vinrent à faire la paix.

La plupart se crurent délivrés de leurs malheurs ; ils n’avaient à la bouche que le nom de Nicias : c’était un homme aimé des dieux ; le ciel lui accordait pour récompense de sa piété de donner son nom au plus beau, au plus grand de tous les biens. En effet, on appela paix de Nicias, cette paix qui était son ouvrage, comme la guerre était celui de Périclès. Celui-ci, par des causes légères, avait jeté les Grecs dans d’immenses malheurs ; lui, il les amena à oublier les calamités passées, au sein d’une amitié réciproque. C’est pour cela que de nos jours encore cette paix est appelée Niciéum[1].

Un des articles du traité portait que les deux peuples se rendraient réciproquement les terres et les villes qu’ils s’étaient enlevées, et même leurs prisonniers ; et l’on tira au sort celui des deux qui ferait le premier cette restitution. Nicias acheta secrètement le sort, et les Lacédémoniens durent restituer les premiers. Cependant les Corinthiens et les Béotiens, mécontents de ce qui se passait, paraissaient vouloir renouveler la guerre par leurs plaintes et leurs récriminations ; Nicias alors engagea les Athéniens et les Lacédémoniens à ajouter à leur traité de paix un traité d’alliance, comme une force ou un lien nouveau, qui devait les rendre plus redoutables aux rebelles, et plus sûrs les uns des autres.

Tout cela se faisait en dépit d’Alcibiade. Il n’était point né pour l’inaction, et il haïssait les Lacédémoniens parce

  1. C’est-à-dire l’œuvre de Nicias.