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NICIAS.

étaient les maîtres ; mais, dès qu’ils en eurent été chassés, les transports ne purent s’opérer que difficilement, et toujours en forçant les vaisseaux ennemis, qui stationnaient sur ce point pour les enlever. D’ailleurs les Syracusains ne croyaient pas avoir perdu le combat naval par la force des Athéniens, mais à cause du désordre qu’ils avaient mis dans leurs propres lignes en les poursuivant. Aussi firent-ils un armement plus considérable, et se préparèrent-ils à une seconde action.

Nicias ne voulait plus combattre sur mer, et disait que ce serait folie, lorsqu’une flotte si nombreuse voguait vers eux avec des forces toutes fraîches que Démosthène amenait en toute hâte, de tenter les chances d’une bataille, avec des troupes inférieures en nombre et en si mauvais état. Mais Ménandre et Euthydème, qui avaient été tout récemment élevés au commandement, étaient jaloux des deux généraux ; ils ambitionnaient l’honneur de prévenir l’arrivée de Démosthène par quelque coup d’éclat, et de surpasser la gloire de Nicias. Le motif qu’ils mettaient en avant était la gloire de leur patrie, qu’ils prétendaient perdue et détruite, si l’on redoutait la rencontre d’une flotte syracusaine. Ils le forcèrent ainsi à livrer une bataille navale. Leur défaite, commencée par le stratagème du pilote corinthien Ariston[1], fut, suivant le récit de Thucydide, achevée à l’aile gauche par la force ouverte ; et ils perdirent beaucoup de monde. Alors Nicias tomba dans un découragement profond : lorsqu’il commandait seul en chef, il avait éprouvé des revers, et il venait de s’en attirer un nouveau par la faute de ses collègues.

Tout à coup Démosthène apparaît au-dessus du port, avec une flotte magnifique, terrible pour les ennemis.

  1. C’était un homme de mer très-habile, qui s’était dévoué au service des Syracusains.