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NICIAS.

culeux, avec lesquels il a d’abord amorti tout élan ; c’est ainsi qu’en n’attaquant pas de suite, il a laissé ses troupes se refroidir, et il est devenu pour les ennemis un objet de mépris. » Tous se rangèrent à l’avis de Démosthène, et Nicias lui-même fut à la fin forcé de s’y rendre.

Ainsi dès la nuit suivante, Démosthène, prenant toutes les troupes de débarquement, attaqua les Épipoles : il arrive, sans avoir été aperçu des ennemis, il égorge les uns, et met en fuite les autres qui voulaient se défendre. Maître de cette position, il ne s’y arrêta point, mais il s’avança plus loin, jusqu’à ce qu’il rencontra les Béotiens. Ceux-ci avaient déjà formé leurs rangs : ils courent tous ensemble, la lance en avant et poussant de grands cris ; ils fondent sur les Athéniens, et en abattent un grand nombre sur la place. Soudain dans toute l’armée se répandirent la stupeur et la confusion : les troupes mises en déroute se mêlaient aux troupes victorieuses ; ceux qui descendaient du fort pour marcher à l’ennemi se sentaient refouler par les premiers rangs épouvantés, et ils retombaient sur eux-mêmes, prenant leurs gens en fuite pour des ennemis qui les chargeaient, et recevant leurs amis comme des ennemis. C’était un mélange confus, effrayant, où il était impossible de se reconnaître, où la vue flottait incertaine ; car la nuit, sans être d’une obscurité complète, n’offrait qu’une faible clarté, comme est nécessairement la lumière de la lune quand elle se couche ; et cette clarté était en quelque sorte offusquée par le mouvement de tant d’armes et de tant de soldats. Dans l’impossibilité de bien distinguer les objets, la crainte de rencontrer un ennemi rendait suspects les amis mêmes. Les Athéniens se trouvèrent donc dans une perplexité cruelle, et livrés aux plus grands maux. Le hasard fit encore qu’ils eurent la lune à dos ; d’où il arrivait que, leur ombre se prolongeant devant eux, ils ca-