Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/164

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cher à en connaître davantage ; et il lui promit, s’il était curieux, la mort, et, s’il s’acquittait de ce service fidèlement, la liberté.

La caverne n’est pas éloignée de la mer. Les deux masses escarpées qui la forment par leur réunion n’y laissent pénétrer qu’une brise douce et légère ; si l’on entre dans l’intérieur, on voit une voûte qui s’élève à une hauteur prodigieuse ; et ce qui augmente encore la largeur de la caverne, ce sont des enfoncements formant comme autant de vastes salles qui communiquent l’une avec l’autre. On n’y manque ni d’eau ni de lumière : une source y forme un ruisseau très-agréable, qui coule au pied de la roche ; les fentes naturelles du rocher reçoivent la lumière extérieure par le point où les parois se rejoignent, et y font luire le jour. L’air intérieur est pur et sans humidité, grâce à l’épaisseur de la pierre même, qui la rend impénétrable à la vapeur extérieure, laquelle va se perdre dans le ruisseau voisin.

C’est là que vivait Crassus. L’homme de Vibius venait chaque jour apporter les vivres ; il ne voyait pas les gens pour qui il venait ; il ne les connaissait pas, mais eux l’apercevaient : ils savaient l’heure à laquelle il venait, et guettaient son arrivée. Les repas qu’il apportait n’étaient point seulement suffisants, mais composés de mets abondants et agréables. Car Vibius voulait traiter Crassus avec toute la libéralité possible. Aussi, ayant réfléchi que Crassus était dans la fleur de la jeunesse, il voulut lui procurer quelques-uns des plaisirs de son âge. Ne satisfaire qu’aux besoins nécessaires, c’était, pensait-il, le fait d’un homme qui n’agit que par obligation et non par affection pure. Il prit donc deux esclaves fort belles femmes, et s’en alla avec elles au bord de la mer. Quand ils furent sur les lieux, il leur montra par où il fallait monter, et leur recommanda d’entrer avec confiance dans la caverne. Crassus, en les voyant venir, crut d’abord