Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/175

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sanglant combat qui se fût encore donné dans cette guerre : il resta sur le champ de bataille douze mille trois cents ennemis ; et l’on n’en trouva que deux qui fussent blessés par derrière ; tous les autres étaient tombés à leur poste, combattant, et faisant face aux Romains.

Spartacus, après leur défaite, se replia sur les hauteurs de Pétilie[1]. Quintus, un des lieutenants de Crassus, et le questeur Scrofa l’y suivaient de près. Tout à coup il revient sur eux, les met dans une déroute complète : c’est à peine s’ils parviennent à se sauver en emportant le questeur blessé. Ce fut ce succès même qui perdit Spartacus. Les esclaves, remplis d’une confiance excessive, ne voulurent plus battre en retraite : ils refusèrent d’obéir à leurs chefs ; et, comme ceux-ci se mettaient en marche, ils les entourèrent en armes, et les forcèrent de revenir sur leurs pas à travers la Lucanie, et de les mener contre les Romains.

S’ils étaient pressés d’en finir, Crassus ne l’était pas moins : déjà l’on annonçait que Pompée approchait ; et il ne manquait pas de gens qui répétaient dans les comices, que c’était à lui qu’était réservée cette victoire ; qu’à peine arrivé il livrerait bataille, et que la guerre serait terminée. Pressé donc d’en venir à une affaire décisive, Crassus s’en alla camper auprès de l’ennemi, et se mit à creuser une tranchée. Les esclaves s’élancèrent sur les travailleurs et les attaquèrent. Puis, des renforts arrivant successivement des deux côtés, Spartacus se vit dans la nécessité de mettre en bataille toute son armée ; ce qu’il fit. Lorsqu’on lui amena son cheval, il tira son épée et dit : « Vainqueur, j’aurai beaucoup et de beaux chevaux de l’ennemi ; vaincu, je n’en ai plus besoin. » Et il tua le cheval. Ensuite il poussa vers Crassus à travers les armes, en s’exposant à tous les coups : il ne put

  1. Ville de Lucanie, et dont on attribuait la fondation à Philoctète.