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MARCUS CRASSUS

avaient donné à Crassus des signes contraires et funestes. Mais il ne voulait entendre ni à leurs avis, ni aux avis de ceux qui lui conseillaient autre chose que de pousser en avant.

Ce qui contribua surtout à l’affermir dans sa résolution, ce fut l’arrivée d’Artabaze, roi des Arméniens. Ce prince vint au camp avec six mille cavaliers ; et l’on disait que ce n’était que la garde et l’escorte du roi. Il promit dix mille autres cavaliers tout armés et trente mille fantassins, qui se nourriraient aux frais de leur pays. Mais il conseillait à Crassus d’envahir la Parthie par l’Arménie, où il aurait en abondance toutes les provisions nécessaires à son armée, que lui fournirait le roi lui-même, et où il marcherait en sûreté, couvert par des montagnes et des hauteurs continues, et sur un terrain incommode pour la cavalerie, qui faisait toute la force des Parthes. Crassus se montra extrêmement satisfait[1] de sa bonne volonté et de ses magnifiques offres de secours. Mais il lui dit qu’il marcherait à travers la Mésopotamie, où il avait laissé beaucoup et de braves Romains. Sur cette réponse, l’Arménien s’en alla avec sa cavalerie.

Lorsque Crassus fit passer la rivière à son armée près de Zeugma[2], il éclata des tonnerres extraordinaires ; de fréquents éclairs frappaient les soldats au visage. Un vent formé par le mélange d’un nuage et d’un tourbillon enflammé fondit sur les radeaux, en mit en pièces une partie, et les brisa les uns contre les autres. Deux fois la foudre tomba dans le champ sur lequel il devait camper.

  1. Je lis, avec Reiske, οὐ μετρίως ἠγάπησε, au lieu de μετρίως sans négation. Appien dit positivement que Crassus témoigna une vive reconnaissance à Artabaze ; et on ne voit pas bien pourquoi il l’aurait remercié assez froidement, comme le dit le texte vulgaire de Plutarque.
  2. Ville de Syrie, sur l’Euphrate, qui avait pris son nom du pont, ζεύγμα, qu’Alexandre y avait fait construire.