Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/200

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thes, se répandant sur les ailes, prit les Romains en flanc, et les attaqua à coups de flèches. En même temps, la première ligne, armée de ses épieux, resserra les Romains sur un petit espace. Quelques-uns seulement, pour ne pas mourir frappés de leurs flèches, se jetèrent sur eux avec l’audace du désespoir ; ils ne leur faisaient guère de mal, mais ils mouraient d’une mort prompte, sous des coups épouvantables et d’un effet soudain : le large fer des épieux poussé à travers l’homme pénétrait jusque dans le corps du cheval ; et souvent le coup était porté avec une telle roideur que deux hommes étaient percés à la fois.

Le combat dura ainsi jusqu’à la nuit : alors les Parthes se retirèrent, en disant qu’ils voulaient bien accorder à Crassus cette nuit-là seulement pour pleurer son fils, à moins que, après avoir fait de plus sages réflexions sur sa situation, il n’aimât mieux se rendre auprès de l’Arsacès que d’y être traîné. Et ils dressèrent leurs tentes près de celles des Romains. Ils étaient remplis des plus grandes espérances ; quant aux Romains, la nuit fut bien triste pour eux : ils ne s’occupèrent ni de donner la sépulture aux morts, ni de panser les blessés, qui expiraient dans les douleurs les plus cruelles : chacun pleurait sur soi-même. Car il paraissait impossible d’échapper, soit qu’on attendit le jour dans cette position, soit qu’on se jetât pendant la nuit à travers ces plaines sans bornes. Les blessés étaient encore un grand embarras : les emporter, c’était se gêner dans la fuite, et la rendre plus lente ; si on les abandonnait, leurs cris apprendraient à l’ennemi le départ des autres. Pour Crassus, bien qu’on le crût la cause de tous ces maux, cependant tous désiraient de le voir et de l’entendre. Mais lui, retiré à l’écart dans un coin obscur, couché à terre et la tête voilée, il offrait à la multitude un exemple des vicissitudes de la Fortune ; aux gens sensés, des suites de la folie et de l’ambition. Il ne