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CIMON.

nait pour l’aristocratie, et pour les institutions laconiennes. On le vit bien lorsqu’il se joignit à Aristide contre Thémistocle, qui élevait beaucoup trop haut la puissance populaire, et plus tard quand il se déclara ouvertement contre Éphialte, lequel, pour complaire au peuple, voulait abolir l’Aréopage. Quoiqu’il vît tous les hommes d’État de son temps, excepté Aristide et Éphialte, s’enrichir aux dépens du trésor public, il se montra, dans tous ses actes politiques, incorruptible, pur même de tout présent, et persévéra toute sa vie à faire et à dire gratuitement, honorablement, tout ce que commandaient les circonstances.

On conte qu’un Barbare, nommé Rhœsacès, ayant fait défection au roi de Perse, était venu à Athènes avec de grandes richesses ; tourmenté par les délateurs, il se réfugia chez Cimon, et mit à la porte du vestibule deux coupes pleines, l’une de dariques[1] d’argent, l’autre de dariques d’or. Cimon sourit à cette vue, et demanda à Rhœsacès lequel il préférait d’avoir Cimon pour mercenaire ou pour ami. « Pour ami, dit-il. — Hé bien donc, répondit Cimon, remporte avec toi ton or et ton argent : devenu ton ami, je m’en servirai quand j’en aurai besoin. »

Les alliés se bornaient à payer les taxes qu’on leur avait imposées, et ne fournissaient plus leur contingent d’hommes et de navires. Fatigués de tant d’expéditions, et jugeant la guerre inutile depuis que les Barbares s’étaient retirés et ne venaient plus les troubler, ils n’avaient d’autre désir que de cultiver leurs terres et de vivre en repos ; ils n’équipaient plus de vaisseaux, ils n’envoyaient plus de soldats. Les autres généraux des Athéniens les contraignaient à exécuter les traités ; ils traînaient devant les tribunaux ceux qui n’obéissaient

  1. Pièces de monnaies dont il a été déjà fait mention ailleurs.