Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/248

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tribun des soldats, et il passa l’hiver à Castulon[1] ville des Celtibériens. Les soldats, qui avaient des vivres en abondance, commettaient mille insolences, et ne faisaient qu’ivrogner. Les barbares, pleins de mépris pour eux, envoyèrent une nuit demander du secours à leurs voisins les Gyrisœniens[2], entrèrent avec eux dans les maisons des Romains, et en tuèrent un grand nombre. Sertorius s’était sauvé de la ville avec quelques-uns des siens : il rallie ceux qui fuyaient comme lui, et il fait le tour de la ville. Il trouva la porte par où les barbares étaient entrés encore ouverte ; il ne fit pas la même faute qu’eux : il plaça des gardes aux portes ; et, se saisissant de tous les quartiers de la ville, il passa au fil de l’épée tous ceux qui étaient en âge de porter les armes. Après cette exécution sanglante, il commanda à tous ses soldats de déposer leurs armes et leurs habits, pour revêtir l’armure des Barbares qu’ils avaient tués, et de le suivre à la ville d’où étaient partis ceux qui étaient venus la nuit les surprendre. Trompés par ce déguisement, les Barbares laissent les portes ouvertes, et sortent en foule, s’imaginant que c’étaient leurs amis qui revenaient après la victoire. Aussi les Romains en firent-ils un grand carnage auprès des portes. Les autres se rendirent à discrétion, et furent vendus à l’encan.

Cet exploit porta par toute l’Espagne le renom de Sertorius. À peine de retour à Rome, il fut nommé questeur pour la Gaule circumpadane ; et ce fut bien à propos, car la guerre des Marses venait de s’allumer : Sertorius fut chargé de lever des troupes, et de faire forger des armes. Le zèle et l’activité qu’il mit à s’acquitter de cette commission, comparés à la lenteur et à la mollesse des

  1. C’est aujourd’hui Cazorla, sur les confins de la Castille-Neuve et de l’Andalousie.
  2. Peuple inconnu d’ailleurs.