Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/271

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Barbares, et ne songèrent pas à empêcher l’arrivée des renforts que Sertorius faisait rassembler. Sertorius avait envoyé des officiers dans les villes de son obéissance, avec ordre de le faire avertir, dès qu’ils auraient réuni un assez grand nombre de soldats. Sitôt qu’il en eut avis, il passa sans peine au travers des ennemis, et alla rejoindre ses gens. Puis, comme il se trouvait en force, il revint sur ses pas, et coupa les vivres aux ennemis du côté de la mer, en leur dressant des embuscades, en les enveloppant, en se portant rapidement partout lui-même. Il arrêtait aussi les convois de mer, en croisant sur la côte avec des vaisseaux de pirates.

Les généraux ennemis furent donc obligés de se séparer : Métellus se retira dans la Gaule, et Pompée prit ses quartiers d’hiver dans le pays des Vaccéens[1]. Il y était en fort piteux état, par défaut d’argent ; et il écrivit au sénat qu’il ramènerait son armée, si on ne lui envoyait pas d’argent : « J’ai dépensé, disait-il, tous mes biens pour la défense de l’Italie ; je n’ai plus rien. » Et même le bruit courait dans Rome que Sertorius serait en Italie avant Pompée : tant l’habileté de Sertorius avait réduit à l’étroit les premiers et les plus puissants des généraux d’alors !

Métellus lui-même témoigna de l’effroi que lui inspirait Sertorius, et de la haute opinion qu’il s’en faisait : il fit publier par un héraut qu’il donnerait cent talents d’argent[2] et deux mille arpents de terre au Romain qui le tuerait ; si c’était un banni, il lui promettait son rappel dans Rome. Acheter la mort de Sertorius par trahison, c’était déclarer qu’il n’espérait rien de la force ouverte. Il finit pourtant une fois par le vaincre en bataille : il fut

  1. Entre le Durius, aujourd’hui le Douro, au midi, et, au nord, les Cantabres, aujourd’hui les Biscayens
  2. Environ six cent cinquante mille francs de notre monnaie.