Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/275

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pour général, en Asie, Marcus Marius, l’un des sénateurs qui s’étaient réfugiés auprès de lui. Mithridate, avec l’aide de Marius, s’empara de quelques villes d’Asie ; et, lorsque Marius entrait à cheval, précédé des faisceaux et des haches, Mithridate suivait, prenant de lui-même le second rang, et faisant auprès de lui le rôle de courtisan. Le général romain donnait la liberté à certaines villes, affranchissait les autres de tout impôt, et déclarait que c’était à Sertorius qu’elles devaient ce bienfait. Ainsi l’Asie, foulée par les publicains, opprimée par l’avarice et l’insolence des troupes qu’on y avait mises en garnison, se relevait de nouveau sur les ailes de l’espérance, et s’éprenait du désir de voir s’opérer dans le gouvernement la révolution dont on lui offrait la perspective.

Cependant, en Espagne, les sénateurs et les généraux qui entouraient Sertorius n’eurent pas plutôt conçu l’espoir d’être en état par eux-mêmes de résister aux ennemis, que leurs craintes s’évanouirent, et firent place à une envie, à une jalousie folle contre la puissance de Sertorius, et qu’envenimait Perpenna. Enflé 58 d’un vain orgueil à cause de sa naissance, Perpenna aspirait au commandement, et semait en secret parmi ses amis des propos séditieux : « Quel démon fatal nous maîtrise, et nous précipite chaque jour d’un mal dans un pire ? Nous qui refusions de nous soumettre, dans notre patrie, aux ordres de Sylla, du maître de la terre et de la mer, nous sommes venus ici, conduits par un mauvais destin, dans l’espoir de vivre libres ; et nous nous soumettons volontairement à la servitude : satellites de l’exil de Sertorius, Sénat sans autorité, et dont le nom est l’objet de la risée de ceux qui l’entendent prononcer ; lâches qui nous résignons aux mêmes outrages, à la même obéissance, aux mêmes travaux que des Espagnols et des Lusitaniens ! » La plupart, remplis de ces propos, n’osaient pas se révolter ouvertement,