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CIMON.

Athéniens partirent, outrés de colère, et laissèrent éclater dès ce moment leur malveillance pour ceux qui favorisaient les Lacédémoniens ; ils saisirent le plus léger prétexte, et bannirent Cimon par l’ostracisme, pour dix ans, ce qui était la durée fixée à cette sorte d’exil.

Dans cet intervalle, les Lacédémoniens, en revenant de Delphes, qu’ils avaient délivrée du joug des Phocéens, campèrent dans les plaines de Tanagre[1]. Les Athéniens sortirent au-devant d’eux pour leur livrer bataille, et Cimon se rendit en armes dans sa tribu Œnéide, brûlant de combattre, avec ses compatriotes, contre les Lacédémoniens. Mais le conseil des cinq cents, qui en fut informé, et à qui les clameurs des ennemis de Cimon firent craindre qu’il ne fût venu pour troubler l’ordonnance de la bataille, et introduire les Lacédémoniens dans Athènes, fit défendre aux capitaines de recevoir Cimon. Il se retira donc après avoir conjuré Euthippus d’Anaphlyste, ainsi que ceux de ses compagnons qu’on accusait particulièrement de favoriser les Lacédémoniens, de lutter vigoureusement contre les ennemis, et d’effacer, par leur conduite, les soupçons de leurs concitoyens. Ceux-ci, qui étaient au nombre de cent, placèrent au milieu de leur bataillon l’armure complète de Cimon ; et, se tenant serrés les uns contre les autres, ils se firent tuer sur la place jusqu’au dernier, avec un dévouement admirable, et laissèrent aux Athéniens autant de regret que de repentir de l’accusation injuste dont on les avait noircis. Aussi le ressentiment des Athéniens contre Cimon ne dura-t-il pas longtemps : il céda bientôt, soit, comme on peut croire, au souvenir de ses services, soit aux conjonctures fâcheuses où ils se trouvaient.

Complètement battus dans ce combat de Tanagre, et s’attendant, pour le printemps prochain, à une incursion

  1. Tanagre était dans la Béotie.