Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/337

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Flora supporta cette perte : elle fut longtemps malade de douleur et de regret. Cette femme était, dit-on, si belle et si renommée, que Cécilius Métellus, ornant de statues et de tableaux le temple des Dioscures[1], fit mettre au nombre des monuments consacrés le portrait de Flora, par honneur pour sa beauté.

Pompée traita, contre son naturel, durement et avec grossièreté, la femme de Démétrius l’affranchi, lequel avait eu auprès de lui le plus grand crédit, et qui, en mourant, laissa quatre mille talents de bien[2]. Il ne voulait pas qu’on l’accusât de s’être laissé vaincre par les charmes de sa beauté, à laquelle rien ne résistait, et qui était l’objet de l’admiration universelle. Mais sa retenue, et les précautions qu’il prenait ainsi de loin, ne purent le garantir des calomnies de ses ennemis : on l’accusait de vivre avec des femmes mariées, et de dilapider les revenus publics, pour satisfaire à leurs caprices.

On cite de lui un mot qui mérite d’être conservé, et qui prouve la simplicité et la facilité de son régime. Il avait une maladie assez grave, accompagnée d’un grand dégoût : son médecin lui ordonna de manger une grive ; mais la saison des grives était passée, et l’on n’en trouva pas une seule à acheter. « On en trouvera chez Lucullus, dit alors quelqu’un ; car il en fait nourrir toute l’année. — Eh quoi ! répondit-il, si Lucullus n’était pas friand, Pompée ne pourrait donc vivre ? » Et, laissant là la prescription du médecin, il se contenta d’un mets plus facile à trouver. Mais cela n’eut lieu que longtemps après l’époque où nous sommes.

Dans sa première jeunesse, comme il servait sous son père, qui faisait la guerre à Cinna, il avait pour ami un certain Lucius Térentius, avec lequel il partageait sa

  1. Castor et Pollux, nommés, par excellence, les fils de Jupiter.
  2. Environ vingt-quatre millions de notre monnaie.