Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/346

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manda la permission de parler, et représenta à Pompée l’injustice qu’il y aurait à pardonner au coupable, et à faire périr ceux qui n’avaient aucun tort. « De quel coupable veux-tu parler ? » dit Pompée. « De moi-même, répondit Sthénis ; c’est moi qui ai décidé mes amis par la persuasion, mes ennemis par la force. » Émerveillé de sa franchise et de sa magnanimité, Pompée lui pardonna, à lui d’abord, et ensuite à tous les autres Himéréens. Et, comme on lui vint dire que les soldats commettaient des désordres sur leur passage, il scella leurs épées de son cachet, et punit ceux qui rompirent le sceau.

Tandis qu’il réglait de la sorte les affaires de la Sicile, il reçut un décret du Sénat et des lettres de Sylla qui lui ordonnaient de passer en Afrique, et de faire à outrance la guerre à Domitius, lequel avait ramassé une armée beaucoup plus nombreuse que celle qu’avait Marius lorsqu’il était repassé naguère d’Afrique en Italie, et que, de fugitif devenu tyran, il avait bouleversé de fond en comble la république romaine. Pompée fit promptement tous ses préparatifs, et laissa pour commander en Sicile, Memmius, le mari de sa sœur. Il se mit en mer avec cent vingt grands navires et quatre-vingts vaisseaux de charge qui portaient des vivres, des armes, de l’argent et des machines de guerre. Sa flotte eut à peine abordé, partie à Utique[1] partie à Carthage, que sept mille des ennemis vinrent se rendre à lui, et se joindre aux six légions complètes qu’il avait amenées.

Il eut alors, dit-on, une aventure assez plaisante. Quelques soldats, à ce qu’il paraît, avaient trouvé un trésor considérable, qu’ils s’étaient partagé. Le bruit de la chose s’étant répandu, tous les autres furent persuadés que ce lieu était plein de richesses, qu’on y avait cachées

  1. Ville de la Libye ou Afrique Mineure, qu’illustra plus tard la mort de Caton.