Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/367

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Quelques-uns de ces pirates, qui, réunis ensemble, écumaient encore les mers, eurent recours aux prières : il les traita avec douceur ; maître de leurs vaisseaux et de leurs personnes, il ne leur fit aucun mal. Cet exemple fit concevoir aux autres d’heureuses espérances : ils évitèrent les lieutenants de Pompée, et allèrent se rendre à lui avec leurs enfants et leurs femmes. Il leur fit grâce à tous, et se servit d’eux pour dépister et prendre ceux qui se cachaient encore parce qu’ils se sentaient coupables de crimes indignes de pardon. Les plus nombreux et les plus puissants avaient mis en sûreté leurs familles, leurs richesses, et la multitude inutile, dans des châteaux et des forteresses du mont Taurus ; et, montés sur leurs vaisseaux, devant Coracésium en Cilicie, ils attendirent Pompée, qui s’avançait sur eux à toutes voiles. Battus dans le combat, ils se renfermèrent dans la ville, dont Pompée fit le siège. Ils finirent par demander à être reçus à composition, et se rendirent, eux, les villes et les îles qu’ils occupaient, et qu’ils avaient si bien fortifiées qu’elles étaient difficiles à forcer, et presque inaccessibles.

Ce fut là le terme de la guerre ; et il n’avait pas fallu plus de trois mois pour que tous les pirates disparussent de la mer. Pompée prit un très-grand nombre de navires, entré autres quatre-vingt-dix armés d’éperons d’airain, et fit vingt mille prisonniers. Il ne voulut pas les faire mourir ; mais il ne crut pas sûr de renvoyer tant de gens pauvres et aguerris, ni de leur laisser la liberté de s’écarter ou de se rassembler de nouveau. Réfléchissant que l’homme n’est pas, de sa nature, un animal farouche et insociable ; qu’il ne le devient qu’en se livrant au vice, contre son naturel ; qu’il s’apprivoise en changeant d’habitation et de genre de vie, et que les bêtes sauvages elles-mêmes, quand on les accoutume à une vie plus douce, dépouillent leur férocité, il résolut de transporter les