Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/393

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parole lui était échappée sans réflexion. Mais tout ce qu’il fit depuis ne prouva que trop qu’il s’était entièrement livré aux volontés de César. Car, peu de temps après, il épousa, contre l’attente de tout le monde, Julie, fille de César, promise à Cépion, et dont les noces avec celui-ci étaient déjà préparées ; et, pour calmer le ressentiment de Cépion, il lui accorda sa propre fille, qui avait été fiancée auparavant à Faustus, fils de Sylla. Pour César, il épousa Calpurnia, fille de Pison. De ce moment, Pompée remplit la ville de soldats, et s’empara des affaires à force ouverte. Le consul Bibulus étant descendu au Forum avec Lucullus et Caton, des soldats tombèrent sur eux tout d’un coup, et brisèrent les faisceaux : on jeta même un panier d’ordures sur Bibulus, qui en fut couvert de la tête aux pieds ; et deux tribuns du peuple, qui l’accompagnaient, furent blessés. Ces violences chassèrent du Forum tous ceux qui eussent résisté aux desseins de César et de Pompée, et la loi sur le partage des terres fut ratifiée. Le peuple, séduit par cet appât, se laissa conduire à leur gré ; et, sans songer à faire la moindre opposition, il donna son suffrage en silence. On confirma les ordonnances de Pompée, que Lucullus attaquait ; César eut pour cinq ans le gouvernement des Gaules cisalpine et transalpine et de l’Illyrie, avec quatre légions complètes ; et on désigna consuls pour l’année suivante Pison, beau-père de César, et Gabinius, le plus outré des flatteurs de Pompée.

Bibulus, ne pouvant arrêter ces désordres, se tint renfermé dans sa maison, et n’en sortit pas les derniers mois de son consulat : il se contentait d’envoyer afficher des placards pleins d’invectives et d’accusations contre César et Pompée. Caton, comme inspiré par un esprit prophétique, annonçait dans le Sénat les malheurs qui menaçaient la république et Pompée. Lucullus renonça aux affaires publiques, sous prétexte que son âge ne lui per-