Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/394

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mettait plus de s’y livrer, et se tint dans le repos ; et ce fut alors que Pompée lui dit qu’il était moins de saison pour un vieillard de s’abandonner aux délices que de vaquer aux soins de l’État. Du reste, il se laissa bientôt lui-même amollir par son amour pour sa jeune femme. Uniquement occupé de lui plaire, il passait les journées entières avec elle, dans ses maisons de campagne et dans ses jardins, sans s’inquiéter de ce qui se passait au Forum. Aussi Clodius même, alors tribun du peuple, n’ayant plus pour lui que du mépris, osa se porter aux entreprises les plus audacieuses. Après qu’il eut chassé Cicéron de Rome, et relégué Caton en Cypre, sous prétexte d’une expédition militaire ; après qu’il eut vu César partir pour la Gaule, et qu’il fut assuré du dévouement du peuple, en s’étudiant à lui complaire dans tous les actes de son administration, il entreprit aussitôt d’annuler quelques-unes des ordonnances de Pompée ; il enleva de force Tigrane de prison, et le retint chez lui ; il suscita des procès aux amis de Pompée, pour essayer, dans leurs personnes, jusqu’où allait la puissance de leur protecteur. Enfin, un jour que Pompée était venu assister à l’instruction d’un procès, Clodius, entouré d’une troupe de gens sans pudeur et sans frein, monta sur un lieu élevé, d’où il pouvait être vu de toute l’assemblée, et fit à haute voix les questions suivantes : « Quel est le souverain intempérant ? Quel est l’homme qui cherche un homme ? Qui est celui qui se gratte la tête avec un seul doigt ? » Et ses satellites, comme un chœur qui donne la réplique dans le dialogue, répondaient avec de grands cris à chaque question, lorsqu’il secouait sa toge : « C’est Pompée ! »

Ces outrages affligeaient Pompée, qui n’était pas accoutumé à entendre de pareilles invectives, et qui n’était pas fait à ces sortes de combats. Mais, ce qui le chagrinait bien davantage encore, c’était la joie qu’en témoignait le Sénat, qui regardait ces insultes comme la punition de la