Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/396

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qui désirait d’être envoyé en Égypte au secours du roi Ptolémée[1], et qui enferma ainsi Pompée dans un emploi plus important. Cependant le tribun Canidius proposa, par un autre décret, d’envoyer Pompée en Égypte sans armée et avec deux licteurs seulement, pour remettre en paix le roi avec le peuple d’Alexandrie. Ce décret ne paraissait pas déplaire à Pompée ; mais le Sénat le rejeta, sous le prétexte honnête qu’il craignait pour un si grand personnage. Mais on trouva sur le Forum, et devant le lieu où le Sénat s’assemblait, des billets portant que Ptolémée lui-même demandait pour général Pompée, au lieu de Spinther.

Suivant Timagène, Ptolémée quitta l’Égypte sans nécessité, et à l’instigation de Théophane, lequel voulait procurer à Pompée des moyens de s’enrichir et de nouveaux sujets de faire la guerre ; mais, si la perversité de Théophane donne à ce conte quelque vraisemblance, le caractère de Pompée le rend incroyable ; car jamais Pompée ne fut méchant et ne souilla son ambition par de telles bassesses.

Chargé de la commission de procurer des blés à Rome, il envoya de tous côtés ses lieutenants et ses amis ; il fit voile lui-même en Sicile, en Sardaigne et en Afrique, et amassa des provisions considérables. Comme il allait se remettre en mer, il s’éleva un vent impétueux, et les pilotes balançaient à partir. Mais Pompée monte le premier sur le vaisseau, et ordonne qu’on lève les ancres, en s’écriant : « Il est nécessaire que je parte ; il ne l’est pas que je vive. Son audace et son activité trouvèrent la Fortune favorable : il remplit de blé tous les marchés, et couvrit la mer de vaisseaux ; jusque-là que le superflu

  1. Ptolémée, surnommé Aulétès ou le joueur de flûte, qui s’était réfugié à Rome pour se soustraire au ressentiment de ses sujets, et qu’on voulait rétablir sur son trône.