Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/408

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proposition par l’épreuve du Sénat. Il invita ceux qui voulaient que César seul posât les armes et que Pompée retînt le commandement, à se mettre tous du même côté ; et ce fut le plus grand nombre. Il dit ensuite à ceux qui étaient d’avis que tous deux posassent les armes et qu’aucun ne conservât son armée, de se ranger tous du même côté : il n’y en eut que vingt-deux qui restèrent fidèles à Pompée ; tous les autres se rangèrent du côté de Curion.

Fier de sa victoire, et transporté de joie, Curion s’élance dans l’assemblée du peuple, où il est reçu avec de vifs applaudissements, et couvert de bouquets de fleurs et de couronnes. Pompée n’était pas présent dans le Sénat, car les généraux qui sont à la tête de leurs armées n’entrent point dans la ville ; mais Marcellus[1] se leva, et dit qu’il ne resterait pas tranquillement assis à écouter de vaines paroles, lorsqu’il voyait déjà dix légions s’avancer du sommet des Alpes, et qu’il allait envoyer contre elles l’homme capable de les arrêter et de défendre la patrie.

Dès ce moment on changea d’habit dans Rome, comme pour un deuil public. Marcellus, suivi du Sénat, traversa le Forum, et vint trouver Pompée. Il s’arrêta devant lui : « Pompée, dit-il, je t’ordonne de secourir la patrie ; de te servir pour cela des forces dont tu disposes déjà, et d’en rassembler de nouvelles. » Lentulus, l’un des consuls désignés pour l’année suivante, lui fit la même déclaration. Pompée commença donc à faire des levées ; mais les uns refusèrent de donner leurs noms ; d’autres, en petit nombre, se présentèrent, mais de mauvaise grâce ; et la plupart demandèrent qu’on prît des voies

  1. Claudius Marcellus, un des plus ardents ennemis de César. Après la bataille de Pharsale, il refusa de se réconcilier avec lui, et se retira à Athènes. Ce furent ses amis, surtout Cicéron, dont on connaît assez le magnifique discours, qui demandèrent et obtinrent son rappel.