Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/412

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la ville, il traita avec douceur ceux qui étaient restés, et les rassura. Seulement Métellus, un des tribuns, ayant voulu l’empêcher de prendre de l’argent dans le trésor public, il le menaça de mort, et ajouta à cette menace un mot encore plus terrible. « Et cela, dit-il, il m’est moins difficile de le faire que de le dire. » Quand il eut de la sorte écarté Métellus, et pris l’argent dont il avait besoin, il se mit à la poursuite de Pompée, qu’il voulait chasser promptement hors de l’Italie, avant qu’il eût reçu les renforts qu’il attendait d’Espagne. Pompée, qui occupait Brundusium, ramassa un grand nombre de vaisseaux, embarqua les consuls avec trente cohortes, et les envoya devant lui à Dyrrachium[1]. Il fit partir en même temps pour la Syrie Scipion son beau-père, et Cnéius son fils, chargés d’équiper une flotte. Quant à lui, il barricada les portes ; il plaça sur les murailles les soldats les plus agiles ; il ordonna aux Brundusiens de se tenir tranquillement renfermés dans leurs maisons, et fit couper toutes les rues par des tranchées remplies de pieux pointus, à l’exception de deux rues par lesquelles il communiquait avec le port. Au bout de trois jours, il était parvenu sans obstacle à embarquer le reste de ses troupes ; alors il éleva tout à coup un signal aux soldats qui gardaient les murailles : ceux-ci accourent en hâte ; Pompée les prend dans ses vaisseaux, et traverse la mer.

Dès que César vit les murailles désertes, il se douta de la fuite de Pompée ; et peu s’en fallut qu’en se pressant à sa poursuite, il s’allât enferrer dans les pieux qui garnissaient les tranchées des rues ; mais, averti par les Brundusiens, il évita de traverser la ville : il prit un détour pour gagner le port, où il trouva toute la flotte partie, à l’exception de deux vaisseaux montés de quelques sol-

  1. Cette ville, aussi nommée Epidamne, était dans l’Illyrie : c’est aujourd’hui Durazzo.