Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/414

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’était pour l’armée un grand motif d’encouragement, de voir le grand Pompée, à l’âge de cinquante-huit ans, lutter à pied, tout armé, puis monter à cheval, tirer facilement son épée en courant à toute bride, et la remettre dans le fourreau avec non moins d’aisance, enfin lancer le javelot, non-seulement avec justesse, mais encore avec force, et à une distance que ne dépassaient point la plupart des jeunes gens.

Chaque jour arrivaient à son camp des rois et des princes de toutes nations ; et les capitaines romains qui entouraient Pompée étaient en si grand nombre, qu’on eut dit un Sénat complet. Labiénus lui-même y vint, après avoir abandonné César, dont il était l’ami intime, et avec qui il avait fait la guerre des Gaules. Et Brutus, le fils du Brutus qui avait été égorgé dans la Gaule[1], homme d’un grand courage, et qui jusque-là n’avait jamais voulu parler à Pompée, ni même le saluer, parce qu’il le regardait comme le meurtrier de son père, ne vit plus alors en lui que le défenseur de la liberté de Rome, et alla se ranger sous ses ordres. Cicéron même, qui avait donné par écrit et de vive voix des conseils tout opposés à ceux qu’on suivait, eut honte néanmoins de n’être pas du nombre de ceux qui s’exposaient au danger pour la patrie. Tidius Sextius, homme d’une extrême vieillesse, et boiteux d’une jambe, alla joindre l’armée en Macédoine : les autres officiers, à son arrivée, se mirent à rire et à plaisanter ; mais Pompée ne l’eut pas plutôt aperçu que, se levant de son siège, il courut au-devant de lui, regardant comme un témoignage bien honorable à sa cause le concours de ces vieillards, qui s’élevaient au-dessus de leur âge et de leurs forces, et préféraient à leur sécurité le danger qu’ils partageaient avec lui.

Le Sénat s’assembla en conseil, et décréta, sur la pro-

  1. Voyez plus haut.