Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 3.djvu/417

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le Sénat s’assembla, et Afranius ouvrit l’avis de regagner l’Italie. C’était là, selon lui, le plus grand prix de la guerre ; et la soumission de l’Italie devait entraîner à l’instant celle de la Sardaigne, de la Corse, de l’Espagne et de toutes les Gaules. « Et ce dont Pompée doit surtout tenir compte, ajoutait-il, c’est que, la patrie lui tendant de si près les mains, il serait honteux de la laisser en proie à tant d’outrages, asservie qu’elle est aux esclaves et aux flatteurs des tyrans. » Mais Pompée eût cru flétrir sa réputation en fuyant une seconde fois, et en s’exposant à être poursuivi par César, alors que la Fortune lui donnait de le poursuivre ; d’un autre côté, il trouvait injuste d’abandonner Scipion et les autres personnages consulaires répandus dans la Grèce et dans la Thessalie, lesquels ne manqueraient pas de tomber au pouvoir de César, avec des trésors et des troupes considérables. Le plus grand soin qu’on pût prendre de Rome, c’était, suivant Pompée, de combattre pour elle le plus loin de ses murs qu’il serait possible. « Il faut, disait-il, qu’elle soit préservée des maux de la guerre, qu’elle n’entende pas le bruit des armes, et attende paisiblement le vainqueur. » Cet avis prévalut ; et Pompée se mit à la poursuite de César, bien résolu d’éviter le combat, mais de tenir l’ennemi assiégé, de le ruiner par la disette, en s’attachant à le suivre de près. Outre qu’il regardait ce parti comme le plus utile, on lui avait rapporté que les chevaliers avaient dit entre eux qu’il fallait se défaire promptement de César, pour se débarrasser tout de suite après de Pompée. Ce fut pour ce motif, disent quelques-uns, que Pompée ne donna à Caton aucune commission importante : lorsqu’il marcha contre César, il le laissa sur la côte pour garder les bagages, craignant qu’après que César serait vaincu, Caton ne le forçat lui-même à déposer le commandement.

Quand on le vit suivre les ennemis avec si peu de